Rencontre avec Daniel San Pedro, comédien et metteur en scène

Dans le cadre du partenariat avec Châteauvallon-Scène Nationale, plusieurs classes du lycée bénéficient chaque année d'ateliers théâtre et d'interventions autour des métiers du spectacle. Voici le compte-rendu d'une étudiante de Mme Juramie, Anaïs Pierrot, BTSAM1.

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Photographie : Pringlebtz

Compte-rendu de la rencontre avec Daniel San Pedro, 4 avril 2018

Cette année, notre classe de BTS AM a eu le plaisir d’accueillir Daniel San Pedro, metteur en scène et comédien, qui nous a parlé des métiers du spectacle ainsi que de son expérience professionnelle et personnelle.

 

I/ La naissance d’une passion et le lancement de sa carrière

 

Daniel San Pedro est de nationalité espagnole, et a débuté son intervention en nous racontant comment la passion pour le théâtre lui est venue. Il nous a expliqué que depuis tout petit, il aimait le cirque, et qu’il participait toujours aux spectacles qui lui étaient proposés à l’école primaire.

A l’âge de 14 ans il est allé voir un spectacle avec sa classe, et à la fin de celui-ci il a demandé aux comédiens quel type d’école pouvait permettre d’être formé pour travailler dans le milieu du spectacle. Il a alors commencé à prendre des cours de théâtre et à jouer dans des spectacles l’été.

Par la suite, il entre au Conservatoire National de Madrid, ce qui est très valorisant pour lui, mais il ne finit pas le cursus car il reçoit une proposition de travail à Paris, ville qu’il qualifie « d’endroit idyllique » pour les comédiens, puisqu’énormément de spectacles y sont présentés chaque soir.

Il confie qu’au départ il avait peur d’arriver à paris car cette ville coûte très cher. Mais sur trois castings qu’il a passés, deux ont fonctionné, il a donc choisi celui qui lui donnait le contrat le plus long, presqu’un an, ce qui lui a permis de trouver un appartement et de confortablement s’installer à Paris.

Il a également expliqué qu’il parlait espagnol à la maison et français à l’école, cette double nationalité lui a permis de découvrir deux cultures différentes.

 

II/ La création de sa compagnie de théâtre et le déroulement de sa carrière

 

Daniel San Pedro nous a ensuite raconté qu’il codirige, depuis 2010, avec Clément Hervieu-Léger, également comédien et metteur en scène (qui fait partie de la Comédie-Française fondée par Molière au 17ème siècle), leur propre compagnie de théâtre, « La Compagnie des Petits Champs », en Normandie.

 

 

                                                                      Clément Hervieu-Léger

 

 

Leur emblème est une vache puisqu’ils ont racheté une ancienne étable et ont aménagé un ancien grenier à grain en studio de répétitions avec une scène.

Ils ont été aidés par le département de l’Eure, la Région Normandie et le Ministère de la Culture pour les travaux. Cet endroit sert aussi à accueillir d’autres compagnies venues de la France entière, en servant de lieu de travail et d’hébergement puisqu’une dizaine de chambres se trouvent sur place, ce qui permet de ne pas perdre de temps avec le transport.

Par exemple Daniel San Pedro vit toujours à Paris actuellement mais séjourne régulièrement là-bas.

 

Il nous a décrit son rôle de metteur en scène qu’il a défini comme identique à celui de réalisateur de cinéma. Il dirige une équipe pour monter un spectacle. Pour cela, le metteur en scène possède une idée de pièce à monter, il va faire passer des auditions ou proposer son projet à des acteurs qu’il connaît déjà. Une fois que l’équipe artistique est complète, il va constituer une équipe technique, qui s’occupera des décors, des costumes, des lumières ou encore du son. En tout cette compagnie se compose d’une cinquantaine de personnes.

 

Le metteur en scène a aussi pour rôle d’aider les acteurs à travailler leur jeu, leurs textes, pour les amener vers ses idées à lui. Avant chaque pièce, toute l’équipe artistique commence par s’asseoir autour d’une table, ils donnent leur interprétation du texte, ils se mettent d’accord sur leur ressenti… pour que toute l’équipe aille dans la même direction.

 

Pour ne pas oublier son texte, Daniel San Pedro nous confie qu’il fait des photocopies et les colle chez lui, dans toutes les pièces, afin de pouvoir lire ses dialogues à tout moment de la journée et bien les mémoriser, ce qui est primordial puisqu’au théâtre aujourd’hui il n’existe ni souffleur ni prompteur !

Parfois il faut trouver des partenaires avec qui collaborer puisque ce domaine artistique est très onéreux, en moyenne un spectacle coûte 200000 euros. Ces producteurs collaborent et offrent de l’argent à la compagnie de théâtre à condition de pouvoir imposer des personnes dans l’équipe, de choisir des comédiens par exemple. Mais si les personnes proposées ne correspondent pas à la vision du metteur en scène, celui-ci peut arrêter le partenariat.

 

La compagnie possède un administrateur qui s’appelle Martin et a fait l’ENSATT, l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Techniques du Théâtre, une école très difficile, située à Lyon. Les études à l’ENSATT se déroulent sur cinq ans et forment à tous les métiers du spectacle. Martin s’occupe de la partie administrative et communicationnelle, il établit les budgets, organise les déplacements et les tournées, contacte les partenaires, gère les comptes de la compagnie sur les réseaux sociaux…

Daniel San Pedro a également joué dans quelques films au cinéma ou à la télévision, mais se consacre particulièrement au théâtre où il joue dans quasiment tous les spectacles de sa compagnie.

 

La compagnie présente des spectacles dans la région, tels que Ziryab, joué à Châteauvallon. Mais l’équipe part aussi beaucoup à l’étranger, au Maroc, à Casablanca, en Chine pour jouer une pièce de Molière, en Ethiopie pour travailler sur des textes de Rimbaud en langue amharique... Il nous raconte même que parfois les enfants et conjoints des employés viennent en vacances avec eux !

Daniel San Pedro estime que mélanger des langues permet d’embarquer les personnes ailleurs, dans un autre univers.

 

La Compagnie revient à Châteauvallon fin mai avec une pièce de Jean-Luc Lagarce, Le Pays Lointain. Elle raconte l’histoire d’un fils qui retourne voir sa famille et ses amis pour leur annoncer sa mort prochaine.

 

                                                        Photographie : Jean-Louis Fernandez

                         http://www.chateauvallon.com/saisons/saison-2017-2018/article/le-pays-lointain

 

La Compagnie des Petits Champs est subventionnée par la DRAC Normandie, le Ministère de la Culture et le Département, ce qui leur permet d’arriver à se financer à hauteur de 70%. En tout ils jouent une centaine de spectacles par an, et gagnent entre 1000 et 3000 euros par spectacle.

 

III/ Le fonctionnement des métiers du spectacle et la place qu’ils occupent en France

 

Daniel San Pedro nous a expliqué la différence entre le théâtre public et privé.

Le théâtre public appartient à l’Etat, en France le Ministère de la Culture et les régions ont un budget important et aident les compagnies à financer les spectacles.

L’Etat aide aussi les théâtres, comme à Paris avec la Comédie Française ou le Théâtre National de l’Odéon, mais aussi le Théâtre National de la Criée à Marseille ou le Liberté à Toulon.

Dans le domaine public la liberté est totale et les propriétaires sont les seuls intervenants dans le choix des comédiens. De plus ils ne sont pas dans l’obligation de gagner de l’argent.

 

Le théâtre privé appartient à une personne qui a payé pour l’acheter. Le propriétaire fait intervenir des producteurs pour l’aider à monter un spectacle ou le produit lui-même.

Il ne touche pas de subvention, donc il faut que de nombreuses personnes viennent voir les pièces pour qu'il ne perde pas d’argent. Cependant un fond de soutien ainsi que des mécènes peuvent l’aider financièrement.

 

En France, il existe le statut d’intermittent du spectacle, qui fait partie de Pôle Emploi. Pour obtenir ce statut, il faut travailler pendant un an et faire une déclaration à chaque fin de mois à Pôle Emploi. Si l’on a travaillé 507 heures à la fin de l’année, on a droit au statut d’intermittent, et les jours où l’on ne travaille pas, Pôle Emploi nous rémunère au taux de notre salaire moyen.

Le monde du spectacle est une économie fragile, puisqu’elle reste incertaine. Cependant Daniel San Pedro a expliqué qu’en France, les théâtres et les compagnies ont la chance d’être aidés par des subventions, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. La France est donc le pays où il est le moins compliqué de faire ce métier et d’en vivre puisque l’économie du spectacle rapporte plus que l’économie de l’automobile !

 

IV/ Son ressenti personnel

Daniel San Pedro nous a fait partager son ressenti face au monde du spectacle. Il trouve que ce domaine est de plus en plus reconnu. Lorsqu'il était lycéen, il était allé voir une conseillère d’orientation pour poursuivre ses études dans le milieu de la comédie, mais celle-ci ne l’avait pas renseigné. Aujourd’hui, il existe des options dans les lycées, option théâtre ou encore arts visuels, ainsi que de nombreuses écoles telle que l’école du théâtre national de Strasbourg, ou encore le CNSAD, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris (photo ci-contre). Ces écoles sont difficiles, très sélectives, mais offrent une formation très complète avec danse, chant, théâtre, puisqu’aujourd’hui tous les comédiens sont polyvalents. C’est donc un domaine en grande expansion.

 

De plus, il explique que sur scène il retrouve un véritable esprit d’équipe avec ses partenaires, qui sont pour lui comme une grande famille.

Pour lui, les comédiens, ces "passeurs d’histoires", doivent essayer d’être les plus sincères possibles pour transmettre un maximum d’émotions au public.

Daniel San Pedro nous a également confié que le pire pour un comédien est d’entrer dans la routine, lorsque l’on joue la même pièce pendant six mois, il faut savoir rester concentré !

L’une de ses plus grandes fiertés est d’avoir travaillé avec Jean Cocteau, grand dramaturge et cinéaste français.

 

Pour terminer, Daniel San Pedro nous a expliqué que malgré ce dur travail, il est très important de rester connecté aux personnes du monde extérieur. Par exemple il est parti jouer des pièces en prison, afin d’offrir du divertissement aux détenus. Il lui a également semblé très important de venir nous voir au lycée, pour nous parler du monde du spectacle, puisque certains d’entre nous peuvent être intéressés par ce domaine, et susceptibles d’y travailler plus tard.

 

Anaïs Pierrot